L’Événement Art – Novembre 2012 Didier Paternoster
Pol Fraiture, créateur de beauté «Instinctif et raisonnable, passionné et réfléchi, terrestre et céleste, éprouvant le besoin d’irradier une bonté généreuse et d’affirmer sa personnalité dans le sens d’efforts esthétiques, spirituels et moraux»: outre le prestige de cette contribution d’André Malraux à la critique de Pol Fraiture, on retrouve dans cette suite très serrée de qualificatifs l’essentiel de l’œuvre et sans doute aussi de la personnalité d’un artiste qui a mis son existence (bien trop courte) toute entière au service d’une quête personnelle de la beauté. Né en 1946, il a décidé de quitter le monde 35 ans plus tard seulement, écorché par les aléas de l’existence et ceux, plus cruels, de l’âme, et cela malgré une reconnaissance qui ne s’était jamais vraiment démentie. Heureusement, le temps n’aura pas eu raison de sa mémoire ni de son œuvre. Appuyée par son entourage, Claudette de Ville, qui a partagé l’existence du peintre jusqu’aux derniers jours, lui rend hommage à travers une exposition à la galerie Alfican et par la publication d’une monographie essentiellement biographique. Deux manières d’appréhender cet univers tellement particulier qui toujours oscille entre la joie et le désespoir, mais ne renonce jamais à cette exploration jubilatoire de la matière, de la couleur, de la lumière. Dessins, monotypes et surtout peintures ont ouvert à Pol Fraiture la voie d’une expression dont la poésie est à la fois sensible et puissante, toute en maîtrise et cependant d’une absolue liberté. C’est dans le traitement de la lumière surtout qu’il a contribué à une nouvelle approche de la représentation, utilisant au maximum le potentiel des contrastes chromatiques dans l’épaisseur d’une matière qui n’a de cesse de révéler de nouveaux détails, de nouvelles impressions, de nouvelles sensations… Il est vrai que les tableaux de Pol Fraiture ne s’appréhendent pas du premier coup d’œil. Un éclairage pertinent leur est nécessaire, ainsi qu’un œil attentif et un rien perspicace. On peut alors pénétrer plus avant dans cet univers d’une immense richesse. Et en savourer toutes les subtilités, se réjouir avec lui de ces belles évocations d’une nature presque omniprésente ou de ces nébuleuses qui flirtent avec l’abstraction. L’homme semble la plupart du temps étranger à cet environnement, même si on y subodore sa présence. Sans doute les déceptions que Pol Fraiture a vécues ou ressenties face à ses semblables sont en partie responsables de ce choix qui s’exprime cependant sans animosité ni rancœur. Riante dans la plupart des cas, son œuvre possède cette étincelle d’universalité qui est gage d’un bel avenir. Didier Paternoster – L’Événement Art, novembre 2012